C’était une fin d’été, dans une pépinière baignée de lumière dorée, que j’avais repéré cet arbuste discret mais prometteur. Ses branches fines, déjà parées de bourgeons, laissaient deviner une floraison à venir. Le vendeur m’avait glissé son nom avec un sourire : « Abélia. Vous verrez, il vous offrira des étoiles blanches dès que les jours raccourciront. » Intrigué, je l’avais ramené chez moi, comme un trésor à planter.
Je lui avais choisi un coin abrité du jardin, là où le soleil de l’après-midi caresse sans brûler. Les premiers mois, il s’était contenté de s’installer, discrètement, sans ostentation. Mais l’année suivante, alors que les feuilles des arbres commençaient à rougir, il avait tenu sa promesse. Des centaines de petites fleurs en cloche, d’un blanc pur légèrement teinté de rose, s’étaient épanouies en grappes légères, attirant les abeilles et les papillons. Leur parfum doux, presque mielé, flottait dans l’air frais du matin, mêlé à l’odeur de terre humide.
Encouragé par cette générosité, j’avais tenté l’expérience du bouturage. Quelques tiges coupées, trempées dans de l’hormone de croissance, puis enfouies dans un mélange de terreau et de sable.
L’hiver avait fait son œuvre, et au printemps, les jeunes pousses étaient apparues, fragiles d’abord, puis de plus en plus vigoureuses. Aujourd’hui, chaque automne est un rendez-vous : mes abélias, devenus une petite colonie, s’illuminent de fleurs, transformant un coin du jardin en un nuage blanc et parfumé.
Il y a quelque chose de magique à voir cette plante s’éveiller juste au moment où la nature semble se préparer au repos. Ses fleurs, si délicates, résistent aux premières gelées, comme pour prolonger l’été. Et moi, chaque matin, je prends un moment pour les observer, pour humer leur parfum, pour me rappeler que la beauté sait se faire patiente et discrète.

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